Les Nomades

Publié le par Eveil-de-lhomme

Nous, sédentaires, vivons regroupés en villages, villes, ou métropoles, sans nous être bien souvent interrogés sur l’origine, la persistance et le devenir de cet état de fait.

Depuis le début des temps, l’organisation sociale primitive s’est faite à partir du nomadisme. C’était la préhistoire, car le nomade n’a que rarement d’écriture pour se raconter. Puis sous l’influence de différents facteurs, économiques, démographiques, géopolitiques, des nomades se sont fixés et ont organisé leur vie dans la sédentarité.

Ce passage d’une culture à l’autre est le fruit d’une lente mutation. Il est le prix de la conquête d’une autre identité culturelle et celle-ci ne s’acquiert que lentement au fil de nombreuses générations. Dans nos sciences occidentales, on nomme ce passage global de presque toute l’humanité, d’un mode de vie à l’autre, sous le terme de néolithique.

Encore faut-il accepter de se sédentariser. Passer d’une organisation de vie à une autre ne se fait souvent que sous l’influence de contraintes qui ne laissent pas d’autre choix.

Aussi le nomade qui se sent poussé vers la sédentarité, l’exècre-t-il. Elle est pour lui, étranger de partout et de toujours, l’étrangère, l’inconnue. Elle est tout ce qu’il hait, tout ce qu’il désire fuir. Et la fuite pousse à se marginaliser dans le nomadisme.

Ainsi depuis des siècles des groupes entiers suivent en occident routes et chemins creusés par des sédentaires qui ne savent plus le voyage, et toujours poussés par la quête de ce qui est pour eux la liberté. Plus les contraintes s’expriment fortement, plus le désir de voyage devient violent. La ville est signifiante de la terreur que peut inspirer la sédentarité aux nomades.

Et quand elle est là, obstacle incontournable, il ne l’accepte toujours pas. Il se débat dans ces rets intérieurs que nous avons tissés pour lui, par la force des interdits ou des permissions données sous condition. Il nous rend responsables de sa mort de nomade. La sédentarisation débute par cette totale incompréhension ; d’une part, son refus obstiné de l’idée même de sédentarité, au sens où le voyage ne sera plus jamais un éventuel recours ; et d’autre part notre orgueil de la sédentarité, que nous estimons être le stade d’évolution indispensable pour s’approprier le progrès en devenir.

Une attitude agresse l’autre et nous renvoie dos à dos, dans l’incompréhension la plus totale, dans le mépris et dans la peur. De là, l’irrésistible progression vers la péjoration de tout vocable qui pourrait désigner les nomades. De là, nos politiques d’exclusion aux reflets permissifs. De là, le contrôle social systématique. Mais eux ne demeurent pas en reste vis à vis de nous. Dans cette voie ils nous suivent toujours quand ils ne nous précédent pas. Leur vocabulaire n’a rien à envier au nôtre. Le mépris des jeunes à notre égard n’est que prémices à la ruse des plus âgés dans leurs rapports avec nous.

Quant à nos lois, elles ne sont que des règles qui ont toutes des exceptions et qu’il est de règle de transgresser.

LES TSIGANES

Les tsiganes forment un groupe social à part entière, mais un ensemble complexe malgré tout. Leurs références sont issues du nomadisme et ont de fortes racines ethniques. Mais il y a des diversités, des façons différentes d’appréhender le voyage et de s’approprier les cultures rencontrées ou intégrées au fil d’un trajet qui dure depuis des millénaires.

L’identité de ce groupe semble solide sous le regard observateur du sédentaire. Ce regard porté de l’extérieur provoque souvent l’émergence de liens de solidarité plus forts que la réalité, quand le groupe est seul avec lui-même.

Il est alors tentant de penser que ces liens ne s’expriment qu’à contrario, qu’en opposition à la société globale. Mais ce serait nier l’existence de racines communes que chaque membre du groupe porte en lui, même si ces racines ne sont pas toujours présentes dans le quotidien, ni dans une culture qui n’est pas écrite et par conséquent souvent oubliée par eux-mêmes.

Parler des tsiganes en essayant de garder comme soucis premier la pondération et l’objectivité est très délicat tant ce groupe éveille la passion, passion qu’il porte en lui et qu’il transmet à tout observateur. Que nous soyons admiratifs, face à leur détermination à rester ce qu’ils sont, ou hostiles face à leur besoin de rester en marge du système social auquel nous nous référons, nous ne pouvons pas être indifférents.

Le simple fait pour parler d’eux, de choisir un terme plutôt qu’un autre, tsigane plutôt que gitan, bohémien plutôt que gens du voyage implique déjà de quelle façon chacun de nous les regarde.

Nous avons donc choisi dans ce travail de les nommer nomades, quoique ce terme soit limitatif, ou tsiganes. Il nous semble en effet que c’est le nomadisme qui pour nous sédentaires, peut-être, le fil d’Ariane qui nous permettra de nous retrouver dans cette complexité.

Certains parmi ces nomades préfèrent se faire appeler “voyageurs” car le terme « nomade » leur semble péjoratif. Mais cette neutralité recherchée à travers ce nouveau terme n’a pas de valeur sémantique. Pourquoi édulcorer une boisson forte, dépassionner ce qui est conflictuel, vouloir banaliser l’exceptionnel, sinon pour taire cette différence qui les fait vivre et survivre depuis des siècles.

Vouloir la taire n’est-ce-pas déjà accepter qu’elle disparaisse ?

Trop de temps s’est écoulé depuis l’origine de la migration de l’orient à l’occident, trop de pays ont été traversés par la caravane, pour que soient gardées intactes les racines culturelles des premiers qui s’en furent. A ces racines oubliées se sont substituées celles d’une nouvelle identité bâtie autour de ce voyage.

Il a fallu que d’éminents ethnographes et linguistes se penchent sur le passé présumé de ces rois d’Egypte, ducs et princes de bohême, et étudient leurs langages, pour remonter aux sources taries et oubliées de la migration.

L’origine du voyage des tsiganes:

Si les tsiganologues sont d’accord pour fixer l’origine de la migration tsigane au Nord-Ouest de l’Inde, ils ne le sont pas en ce qui concerne les causes et les dates de cette migration.

Il existe un lien entre toutes les tribus tsiganes. Ce lien, c’est le langage. Bien sûr entre le Romani, le Sinto, le Kalo il y a des différences mais il a aussi des points d’ancrage identiques. Dans chacun se retrouve le sanscrit, soit dans la racine même de la langue: la grammaire, c’est le cas du Romani et du Sinto’, soit dans le vocabulaire. Ces trois langues sont en effet chargées de mots aux mêmes racines et possèdent une évidente origine commune dans le sanscrit et les langues indo-européennes. À partir de ces racines les tsiganes ont forgé des dialectes en modifiant le vocabulaire, en ajoutant des mots nouveaux.

Des études poussées de la langue ont permis de retracer des itinéraires. Concevoir qu’il faut remonter aux confins du Pakistan occidental, aux bords du fleuve Sind, comme origine de la migration, est aujourd’hui presque acquis, on sait peu de chose sur les tsiganes aux Indes avant l’an mille.

Le langage est donc le fil ténu qui nous permet de découvrir un peu ce peuple. Mais la langue orale n’est pas datée dans l’histoire. La mémoire non écrite ne permet pas le chiffrage du temps. Elle n’est révélatrice que d’une culture intemporelle. Dans cette histoire du peuple tsigane, reléguée au stade de la préhistoire jusqu’à ce que d’autres peuples écrivent sur elle, leurs origines objectives sont diffuses.

L’historien qui affectionne l’écrit et qui étaye ses thèses à partir de lui, se trouve contraint de parler d’un peuple à partir de l’histoire racontée par d’autres.

En arrivant dans nos contrées à la fin du moyen âge, les tsiganes se décrivaient alors roi d’Egypte, prince de Bohème, duc des Carpates.

C’était peut-être leur réalité, enjolivée et vécue selon une échelle mémorielle moins importante que celle que confère à nos civilisations l’utilisation de l’écrit.

De 1000 à 1200 après J.C., cette vague s’est donc étalée, suite d’une longue série de migrations de l’orient à l’occident. À l’époque il a fait suite à mille ans d’invasions beaucoup moins pacifiques par les Huns, les Tartares, les turcs, pour ne citer que les plus récentes qui sont arrivées des profondeurs asiatiques avec une soif de conquête que n’ont jamais eue les tsiganes. Ce peuple marchand mais non guerrier en n’imprimant pas son histoire dans la nôtre, laisse ouvert un large champ aux hypothèses concernant ses origines.

Nous pensons toutefois, la racine de leur langue étant le sanscrit, que la période de sédentarité de ce peuple sur les bords du fleuve indien a du être suffisamment longue avant leur départ, pour que nous la considérions comme originelle. Mais rien n’empêche d’imaginer d’autres voyages, dans la préhistoire de leur histoire.

Mis à part l’étude très contemporaine de la langue et des dialectes, les écrits (réglementations ou chroniques) ont permis de suivre en partie le chemin parcouru par le peuple tsigane.

Après avoir quitté le Pakistan actuel, ils se sont dirigés vers l’ouest, suivant ainsi la route que trace chaque jour le soleil dans sa course.

Certains sociologues pensent que ceux qui sont nommés GITANS ont bifurqués par le sud de la Méditerranée pour rejoindre l’Europe par l’Espagne. La richesse du Kalo’ andalou en termes arabes lui fait envisager cette hypothèse. D’autant plus émouvantes en auraient été les retrouvailles en 1447 à Barcelone, avec ceux des groupes qui traversèrent l’Europe et qui s’y trouvaient déjà. Mais l’hypothèse est sujette à controverse.

Au fil des chroniques, nous les voyons durant un siècle et demi se répandre dans toute l’Europe et commencer à suivre des chemins si différents qu’ils ne se les approprieront jamais, comme si être de quelque part signifiait pour eux ne plus être tsigane.

En 1492, atteignant les confins septentrionaux des Iles Britanniques, ils avaient traversé le monde d’alors.

À l’extrême sud de l’Europe la même année, Christophe Colomb partait en suivant lui aussi le soleil, à la recherche de l’Inde, leur terre d’origine. Peut-être certains furent-ils du voyage, en tout cas les terres qu’il découvrira, les Amériques, deviendront plus tard, une terre de prédilection pour les GYPSIES, puisqu’un très grand nombre de ROMS y est aujourd’hui recensé.

LES DIFFERENTS GROUPES ETHNIQUES

Le peuple Rrom (avec 2 r)

Le terme Rrom désigne donc ce peuple d’origine indienne qui a quitté le nord-ouest de l’Inde au début du XIe siècle et a migré progressivement à travers l’Asie occidentale puis l’Europe pour fuir les discriminations.

Les Rroms sont liés par une histoire et une base linguistique communes : le rromani, dérivé du sanskrit (une langue indienne). En 1971, le premier rassemblement Rrom mondial se réunit à Londres. Aujourd’hui, les Rroms seraient entre 10 et 12 millions en Europe.

Romanichel, terme aujourd’hui très péjoratif du fait de l’utilisation qui en a été faite, signifie « le peuple Rrom » en romani et serait théoriquement le meilleur terme à utiliser pour éviter certaines confusions. En effet, « Rrom » étant presque toujours écrit avec un seul « r », cela créé une confusion avec les « Roms » qui sont un des sous-groupes du peuple Rrom.

Ceux que nous désignons aujourd’hui sous le terme générique de « tsiganes » ne se dénomment pas ainsi eux-mêmes. Ce mot semble dériver du grec « atsinkanos », qui signifie intouchable. Est-ce à dire que les membres de ces groupes étaient non seulement intouchables par les étrangers mais intouchés eux-mêmes, refusant tout contact impur avec d’autres gens que ceux de leur groupe ?

Les tsiganes se divisent en trois groupes, subdivisés en sous-groupes. Ces trois groupes sont les ROM qui parlent le ROMANI, les SINTE qui parlent le SINTO’ et les KALE (ou gitans) qui parlent le KALO.

ROM : désigne le groupe le plus important (aujourd’hui environ les 8/10ème de la population tsigane). Certains pensent qu’il s’agit en fait de la souche originelle de tous les tsiganes. Ce mot veut dire « homme » en Romani. La tribu nomade est désignée en sanscrit par le terme DOM(a). Ce terme n’a rien à voir avec la Roumanie, ou certes résident un grand nombre de Roms. En partie romanisée à la suite de la création de la province de Dacie par Trajan au iie siècle après J.-C., la Roumanie est le fruit de l’intégration de populations très diverses, dont la langue roumaine synthétise les apports notamment ceux du latin.

Rom et Roumanie n’ont par conséquent qu’une certaine homonymie mais pas d’étymologie commune.

Les Roms se subdivisent en 3 groupes principaux : les kalderash, premier sous-groupe aux Etats-Unis, ne sont que deux mille en France pour une population globale tsigane chiffrée approximativement à 150 mille personnes. C’est en quelques sortes l’aristocratie tsigane. Ils sont chaudronniers de toujours et le roumain leur a donné leur nom (caldera veut dire chaudron dans cette langue issue du latin).

Les Lovari ou Hongrois sont maquignons ou vendeurs de voitures.

Les tchourari, enfin, qui fabriquaient des tamis (d’où leur nom qui vient également du roumain) sont aujourd’hui rétameurs la plupart du temps.

MANOUCHE : ce terme vient également du sanscrit « Manus », qui veut dire « homme ». Ils sont également connus sous le nom de SINTI. C’est le second groupe par ordre d’importance numérique en Europe.

Ils ont longtemps vécus en Allemagne et ont souvent des noms à consonances germaniques. Django Reinhardt en est un très célèbre exemple.

GITAN : désigne le troisième groupe. Ils vivent dans le midi de la France et en Espagne. Là, ils sont Catalans ou Andalous. Manitas de plata joue le flamenco traditionnel sur lequel son groupe danse depuis de nombreuses générations.

LES NON-TSIGANES, NON SEDENTAIRES

Les tsiganes ne sont pas les seuls à voyager. Bien d’autres groupes ont adopté ce mode de vie. Parfois une famille seule décide de rompre ses attaches et arpente les routes, par instabilité ou par quête d’une plus grande liberté qu’elle prête alors au voyage.

Le plus souvent la misère ou la guerre ont provoqué et provoque encore, de par le monde, le départ sur les routes de groupes entiers qui ont très vite adopté cette façon de vivre. Dans les nombreuses guerres contemporaines les populations locales fuient et cherchent refuge dans les pays limitrophes ou plus lointains. Ces réfugiés, chaque jour dispersés vers un ailleurs d’exclusion, ne vont-ils pas, avec le temps, se nomadiser ?

En France, les Yennischs, ou Barengués, vivent de cette manière et sont souvent assimilés aux tsiganes, tout en vivant séparés d’eux. Le groupe tsigane reste bien fermé sur lui-même et autour de sa langue.

Leur genre de vie les a assimilés aux tsiganes et leur vaut les mêmes déboires qu’à ceux-ci...

Dans les Iles Britanniques, des groupes semblables existent. Il s’agit des « TINKERS » Bien antérieurs aux tsiganes sur ces Iles, ils ont difficilement accepté la venue de ceux-ci. Leur nom veut dire “étameur “ en anglais. Il semble qu’eux-mêmes n’aient pas d’autre appellation pour se désigner. On ne connaît pas leur histoire ni leurs origines. Ils vivent comme les « GYPSIES » dont les manières sont conformes. Ils parlent un dialecte qui porte le nom de “ CANT “ qui veut dire “ parler faux.…

Tsiganes et Tinkers se sont parfois alliés et de tels mariages forment des tribus de “Didikois “, ou “ sang-mêlé “.

LA TSIGANITE

La plupart des auteurs qui ont écrit sur les tsiganes, ont essayé de donner une définition à la notion de tsiganité. Si le nomadisme est reconnu comme la dominante essentielle alors beaucoup de tsiganes ne le sont pas, ou plus, car ils ont cessé de voyager.

Si la tsiganité caractérise l’appartenance à un groupe ethnique, alors il faut en définir les contours et les particularités, ce qui est tout à fait impossible.

S’il s’agit d’un style de vie, d’une culture qui s’exprime dans l’art ou dans une langue, là encore il y a trop de différences pour trouver une identité commune à tous ces gens qui pourtant savent se reconnaître, et s’identifier mutuellement.

ATYPISME ET / OU PARTICULARISME CULTURELS

La tsiganité recouvre une multiplicité de référents culturels, souvent contradictoires, même en ce qui concerne le plus évident : le nomadisme. Le terme tsigane n’est pas un terme d’origine “tsigane”. C’est le terme français dérivé du grec. En Allemagne se sera Zigeuner, au Portugal Ciganos, etc.

La tsiganité est difficile à cerner. Il y a autant de caractères tsiganes qu’il y a de groupes, de sous-groupes voir de clans familiaux. Face à cette impossible définition de l’extérieur peut-on oser cette tautologie de S.F. Nadel, anthropologue Britannique qui nous dit : ”la tribu est une unité sociale dont les membres affirment qu’ils forment une unité sociale(l)."

Il appartiendrait donc au tsigane de se définir lui-même et dire qui l’est ou ne l’est pas. Il le fait au travers de sa dénomination des grands groupes que nous avons cités : Roms, Manouchs et Kalés, chaque groupe ne s’estimant pas très éloigné les uns des autres.

Et pourtant, dans chacun de ces groupes, on trouve des gens qui ne voyagent qu’une partie de l’année, des gens qui ne bougent pas. Certains restent attachés aux zones rurales, certains ne se plaisent que dans les centres urbains certains alternent les séjours à la campagne et les séjours à la ville. Des familles franchissent les frontières des états, d’autres tournent dans deux ou trois cantons depuis des générations. On en voit qui roulent dans des autos de luxe tirant des caravanes somptueuses, on en voit qui ne peuvent faire quelques kilomètres sans risquer la panne ou le procès à cause du mauvais état de leurs véhicules. Quelques-uns se font construire des villas, quelques-uns doivent être relogés en cités de transit, les expériences en HLM sont catastrophiques… Dans tous les domaines, la diversité est extrême.

À cet aspect des tsiganes de France, correspond celui de la variété des tsiganes de par le monde.

Des violons hongrois au flamenco espagnol, toute une diversité de cultures passe dans la musique.

De la grotte andalouse à la maison des « sédentarisés » en passant par les tentes, les verdines ou roulottes et les caravanes, l’habitat reflète également une multiplicité d’histoires, façonnées par leurs rapports avec les sédentaires. Les tsiganes semblent donc se différencier des peuples qu’ils traversent par leur manque d’unité.

Les sédentaires disent :

" - Que ceux qui voyagent, ne stationnent pas trop longtemps, et que ceux qui ne voyagent plus se sédentarisent. . ."

Mais derrière cette apparente banalité se cache toute la réalité du nomadisme.

Entre la sédentarité apparente d’une, voire plusieurs générations et le voyage continuel toutes les situations sont possibles. Aucune ne sera à exclure pour le nomade.

La gestion de l’accueil des nomades, sera donc le reflet de ces situations diverses et très souvent conflictuelles, où aucune de ces multiples réalités ne primera sur les autres. La parole engagée le sera sincèrement, mais, à un moment donné, dans une situation précise, et toujours dans un contexte de mobilité et de changement continuel. Elle n’engagera donc jamais l’avenir du nomade.

CONCLUSION

Ainsi au fil de sa migration, le nomade tsigane s’est construit une raison de voyager. S’il lui arrive un jour de douter de cette raison c’est dans le voyage qu’il se réfugiera.

Nulle fin ne semble donc possible ; fin qui consisterait pour le nomade tsigane, à perdre toute culture, dans le sens d’une assimilation pure et simple au monde sédentaire.

Notre obstination à ne vouloir considérer les nomades tsiganes que comme des vagabonds, des pauvres sans logis, fait face à la leur de ne pas vouloir se corrompre par des contacts trop proches avec nous ou notre civilisation. Ce mur d’incompréhension interdit depuis 8 à 10 siècles d’histoire commune tout contact, tout enrichissement de l’un par l’autre.

C’est en voulant à toute force les assimiler dans notre civilisation, les rendre semblables à nous, que nous avons rendu impossible toute intégration de leur part.

En édictant des lois contre le vagabondage, le tsigane était plus particulièrement visé, dans ce qui constitue le point fort de son particularisme ; le voyage, l’errance.

En rejetant cette valeur essentielle pour lui, nous le rejetions globalement.

En refusant de prendre en considération l’essence de sa culture, que jamais il ne tenta de nous imposer, nous l’obligions à se réfugier en elle, car sans cela il courrait le risque de perdre son identité.

Le problème de l’intégration ou de l’assimilation des populations qui ont choisi de vivre parmi nous, est un problème tout à fait contemporain.

Pourquoi, les sociétés établies ont-elles peur à ce point de ce qui leur est étranger, pourquoi n’essaient-elles pas de comprendre et d’accepter, les différences de valeurs que chaque peuple porte en lui ?

Il ne s’agit pas bien sûr d’imaginer une société “caméléon”, qui changerait de couleur ou de forme au gré des migrations qui la traverseraient. Mais comprendre un mode de vie ne veut pas dire le partager, et accepter pour d’autres ne veut pas dire accepter pour soi.

La question du nomadisme et de son devenir dans notre société moderne ne doit donc pas nous laisser indifférent. Il ne s’agit pas bien sûr de porter un regard attendri sur un folklore peut-être en train de disparaître. Il s’agit plutôt, au regard de ce que sont les tsiganes et leur nomadisme, et au regard des réponses que nos sociétés sédentaires ont pu apporter face à ce phénomène, de voir quelles pourraient être aujourd’hui les solutions acceptables par eux et par nous, qui permettraient de vivre ensemble, même de façon provisoire, puisque de toute manière nous sommes amenés à partager un même espace de vie.

Dernièrement, les députés ont voté la suppression du livret de circulation, qui violait selon l'ONU le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Les députés ont voté une proposition de loi sur le statut et l'accueil de quelque 350 000 gens du voyage. Rappelant "l'histoire souvent sombre" qu'a connue cette population en France, notamment la grande déportation vers les camps de concentration nazis organisée par la police de Vichy. La ministre du Logement de Jean-Marc Ayrault, Sylvia Pinel, a apporté le soutien du gouvernement à un texte qui "renforce les droits et les devoirs des uns et des autres".
A l'inverse, pour Yannick Moreau (Les Républicains), les mesures votées "ne font qu'alléger les devoirs des gens du voyage envers les communes, quand celles-ci sont contraintes à des efforts administratifs et financiers toujours plus importants".

Le débat entre nomades et sédentaires est loin d’être clos.

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