Prospective et utopie (2)

Publié le par Eveil-de-lhomme

 

Prospective et utopie ( 2)

Une seconde manière de se projeter dans l'avenir consiste à solliciter l'imagination, cette petite chose qui distingue semble-t-il l’homo Sapiens du reste du monde vivant, à ce qu’on en sait aujourd’hui.

La pensée utopique conçoit le présent, non comme un ensemble de données à interpréter, mais comme une réserve de possibles à imaginer. Puisque l'avenir n'est jamais sûr, autant fixer nous-mêmes l'horizon de nos attentes.  

Utopie : le mot a été forgé par l'évêque anglais Thomas More ( 1478 / 1535), à partir du grec outopoz « en aucun lieu ». C’est une représentation d'une réalité idéale et sans défaut. Bon, elle lui un peu couté sa tête, mais sa pensée demeure présente malgré tout.
Aujourd’hui, cette façon de penser suscite une attention renouvelée en philosophie, car elle a bien des atouts, au premier rang desquels celui de renouer avec ce qu'Ernst Bloch appelait le «principe espérance». C’est pour l’auteur allemand,

l’aboutissement des thèses formulées dès 1918 dans « L’Esprit de l'Utopie » et développées par les œuvres suivantes. « Le Principe Espérance », qui parut en R.D.A. entre 1954 et 1959, fut sinon la cause du moins le prétexte idéologique de la rupture entre Bloch et le marxisme officiel. Le livre mettait en œuvre, sur le front philosophique de l'histoire, une subjectivité active, la conscience anticipante, où le marxisme officiel est amené à vivre une véritable agression contre le matérialisme dogmatique de l'orthodoxie. Ce risque d'idéalisme, volontairement encouru, n'est certes pas le seul paradoxe de l'œuvre de Bloch. Mais son enjeu livre le sens de tous les autres : lutter contre la pétrification de la dialectique, combattre toute clôture péremptoire en métaphysique. Car, la reconquête de soi, entreprise par l'homme, le dépassement du règne de l'aliénation et de la marchandise, la réalisation de ce monde nouveau dont toutes les utopies sont l'anticipation abstraite, qui constitue en fait le projet même du marxisme, ne sont pas encore accomplis. Sans cette puissante énergie, l'homo sapiens perd le cap de son existence et s'abîme dans la déprime. A défaut de croire en dieu ou en un avenir radieux dans l’au-delà, croire en un avenir meilleur pour l’humanité est le meilleur ressort du progrès personnel et collectif, et c’est bien ce que nous venons chercher ici, enfin pour certains d’entre nous.

Cependant, l'utopie n'a pas que des avantages. Elle se situe par définition «autre part» : elle envisage des manières de faire, des modes de vie alternatifs, sans trop s'embarrasser des contraintes du réel. Objection plus grave, la pensée utopique peut se révéler dangereuse.
L'expérience des totalitarismes nous a enseigné les périls de l'illusion d'une société parfaite. À la fin du 20e siècle, nombreux sont les penseurs à avoir souligné, comme Pierre-André Taguieff « l'effacement de l'avenir ». La gestion et la gouvernance, mots-clés dans les années 1990-2000, sont les indices d'un monde où la pensée anticipatrice, réduite à sa part minimale, se contente généralement de mesurer les risques et les incertitudes. Cela n'empêche pas l'esprit réformateur de se déployer, mais dans les bornes de la société de marché. Les pensées qui s'en émancipent se trouvent marginalisées. Comme le souligna George Friedman « L'idéologie du nouvel ordre mondial posait qu'il n’y avait plus de lieux différents, que tous les gens raisonnables se comportaient de la même manière.» La pensée unique était ainsi mise en lumière.

 

Fin des utopies, donc ? Non, ce serait enterrer trop vite la puissante capacité des humains à rêver dautre chose ».
« C'est sa capacité à imaginer des alternatives en se basant sur les virtualités du réel, qui fait de l'homme est un animal distinct de tous les autr
es êtres vivants », rappelle le philosophe Daniel Innerarity, dont le travail se concentre sur l'articulation de l'éthique, de la politique et de la société dans le cadre du monde, qui contribue avec d'autres à réhabiliter l'utopie. Elle permet selon lui à la fois à mettre au jour les imperfections du présent, à définir nos idéaux et à déployer sans restrictives un éventail d'actions. Mais il est hors de question, pour lui, de reproduire les errements du 20e siècle. L'utopie se remodèle et s'impose davantage de limites. Ainsi trois grandes tendances peuvent actuellement être observées.

Les grands récits d'autrefois, qui prétendaient embrasser la totalité du monde
dans leur filet, sont discrédités. En lieu et place des projets de société idéale émergeront, selon lui, « une myriade de
scénarii sectoriels, qui laissent ouvert l'éventail des futurs possibles, sans chercher à conduire, à marche forcée, des citoyens transformés en adeptes, vers un avenir en particulier… » tels le nazisme et le bolchévisme, par exemple.
Ces scénarii visent, par exemple, à refroidir le climat par la géo ingénierie, à créer de nouveaux outils démocratiques, ou penser d'autres pratiques managériales, tous les champs de l’activité humaine peuvent faire l’objet de scénario.


Les utopies ne visent plus le meilleur des mondes, mais une amélioration réelle des choses. Dès le milieu des années 1990, le concept d'un «réalisme utopique », émerge. Il consiste à déterminer un ensemble d'idéaux consensuels afin de renouer avec l'idée de progrès. L'ONU se situe dans cette lignée lorsqu'elle adopte en 2015 ses « 17 objectifs de développements durables pour transformer notre monde» : mettre fin à la pauvreté, supprimer la faim, éradiquer les maladies, promouvoir la paix, réduire les inégalités, etc.

L'utopie doit nourrir un espoir réaliste, ce qui suppose de discuter techniquement sa faisabilité, d'intégrer les contradictions et de tracer une feuille de route.


Le développement de l'individualisme tend à étouffer les grandes aspirations collectives, mais à stimuler les projets de transformation de soi : quitter la ville, éduquer autrement, se soigner différemment, manger bio ou végétarien ... Cette réorientation de l'utopie vers l'individu n'est cependant pas sans répercussions à l'échelle globale. On observe des passerelles entre deux pôles apparemment opposés : la planète et l'individu. Très présente outre-Atlantique, l'idée que chacun peut changer les choses à sa mesure, semble progresser en Europe. En se changeant lui-même, l’homme peut changer le cours du monde. Le changement ne passe pas nécessairement par le pouvoir politique. Construire son temple intérieur pour aider à la construction du temple de l’humanité, en quelque sorte, dirait-on ici.

Encore faut-il prendre le temps de travailler sur soi sérieusement, et ne pas se contenter d’une petite initiation, d’une heure dans sa vie, pour se prétendre fils de la lumière. Avant l’autre, il y a soi, « gnôthi Seaton » aurait dit Socrate, « connait-toi toi-même », avant de commencer à vouloir changer les autres et le monde extérieur, commence à connaitre tes propres limites.

Des idées originales, des philosophies anticipatrices, des initiatives concrètes, émergent ainsi en ce moment sur tous les continents ... Audacieuses ou plus modestes, elles ambitionnent toutes, à leur manière, de changer le monde. À chacun de s'en saisir, d'en discuter les répercussions, d'en proposer de nouvelles et de confronter les alternatives pour retrouver le goût de I ‘avenir.  

Les chantiers, sur lesquels se penchent les utopistes, sont nombreux.

L’idée de la paix universelle, qui tiendrait compte des aspirations et des cultures multiples à travers la planète et non les seules occidentales, idée qui prendrait en considération l’altérité plutôt que de vouloir imposer nos standards en la matière.

Arrêter de nous enrichir en appauvrissant le reste du monde, par exemple en réglant nos dettes vis-à-vis du reste du monde. Dépasser le capitalisme, devenu monopolistique, à défaut de l’abolir, en mettant nos espoirs dans une économie plurielle plus proche des gens. Dépasser la pénurie de travail, par l’instauration des rentes universelles, mais sans rendre les gens passifs, ni en dégradant l’image qu’ils ont d’eux-mêmes.

Abolir les frontières, sans que les citoyens perdent pour autant leur identité.

Utopies, certes, mais des idées à creuser, malgré tout, car il est de plus en plus difficile de se replier sur soi-même, à l’heure des communications internationales rapides et extrêmement faciles. Certaines civilisations antiques ont connu le multiculturalisme, L’Egypte, la Grèce, Rome, ont connu le brassage des populations à une bien plus grande échelle que nous, toutes proportion gardées, bien évidemment. Le polythéisme permettait de pratiquer sa religion, et d’avoir une identité qui allait avec, tout en étant chez l’autre, et en respectant les autres confessions, ou l’absence de confession. Ce sont les monothéismes qui ont clivé en communautés distinctes aux frontières rigides et intransgressibles, les populations. Mon dieu est le vrai dieu et il n’y a qu’une manière de le servir.

Comment vivre avec les autres quand on se prend pour le peuple élu ?

Redonner le pouvoir aux citoyens, dans une démocratie plus directe, basée sur les votations d’initiative populaire, tout en évitant l’écueil du populisme, qui s’est toujours servi du plébiscite pour gouverner contre les aspirations réelles des gens ? La Suisse est-elle un pays fasciste ? A-t-elle restauré la peine de mort ? La votation d’initiative populaire est pourtant le système en vigueur dans ce pays et fait montre depuis bientôt 300 ans d’un dynamisme démocratique bien supérieur à notre royauté républicaine.

Révolutionner l’école et redonnant le gout de l’apprentissage, pour se forger un avenir à la hauteur des rêves de nos enfants.

Eradiquer les maladies, mais non la mort, qui devrait, de mon point de vue, rester l’avenir de l’homme. Apprenons donc à mourir plutôt que de faire la queue dans les églises qui nous vendent du paradis éternel.

Transformer l’agriculture pour éviter la malbouffe, choisir le toit sous lequel on se sent bien plutôt que de vivre en clapiers, supprimer les prisons qui rendent les hommes plus mauvais, mettre fin aux discriminations, ré enchanter le travail de plus en plus rare, refroidir le climat, certains travaillent déjà à cette idée (capturer le CO2, modifier le rayonnement solaire, etc.) sans provoquer pires dégâts que le réchauffement, bref, nombreux sont les objets utopiques, sur lesquels nous autres FM, pourrions travailler.

 

Mais l’utopie, se heurtera toujours à la peur du changement. Aversion de la perte au profit « d’on ne sait pas encore vraiment quoi », l’inertie du statu quo « à tout prendre c’est bien comme ça », le sens de la justice « pourquoi lui et pas moi » ou « pourquoi moi et pas lui » quand il s’agit de construire des éoliennes par exemple.

Bref on n’est pas arrivé au bout de nos peines, mais les FM n’ont-ils pas juré de travailler à l’amélioration du temple de l’humanité ?

Lançons nous un défi, revenons à nos devoirs, et comme première utopie, accepter les utopies comme prometteuses d’avenir.

C’est bien le but de la FM libéral, ou j’ai tout faux depuis le début ?

JDVM

 

 

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